LA MINE N°93 / JANVIER-FÉVRIER 2022

Au sommaire :

STUBBORN TREES + DÓRA VARGA + TELEGRAM + LA COLONIE DE VACANCES + SWEET SCARLET + THE SELENITES BAND + STAZMA/THE JUNGLECHRIST + OI BOYS + OCTOBER + ABRAHAM FOGG + LA MAUVAISE GRAINE + FÊTE DU BRU()T + JAM’S SESSION + LÉZARDS PLASTIQUES + REPORT LIVE METAL + TA GUEULE ET LIS + LES EXPATS

Le numéro #93 est de nouveau disponible en version papier !!

Elle est également à feuilleter en ligne avec une version web enrichie de contenus exclusifs !

ÉDITO

Reprendre la route

Deux ans ou presque que vous n’avez pas tenu entre vos mains votre fanzine adoré. Deux ans ou presque que vous n’avez pas respiré la bonne odeur de l’encre fraiche, entendu le doux bruissement du papier entre vos doigts émus.
Après l’avoir gardée confinée durant vingt-deux mois dans l’univers numérique, la bande de Mineurs et repartie au charbon pour vous offrir un joli magazine tout bô, tout chô… Et voilà le résultat, La Mine fait son grand retour sur les zinc des bistrots, les comptoirs des salles de spectacles.
Une belle Mine, toute chaude, toute propre, enfin pas trop quand même, elle a un standing à tenir ! Pour ce retour ”en vrai”, Mineurs et Mineuses ont mis le paquet. De l’actu, de la musique, des coups de gueule mais surtout des coups de cœur, des dessins, des petits nouveaux et des habitués qui ont fouillé leurs archives, tout y est pour bien commencer l’année. On vous évitera le couplet sur ”ça peut pas être pire que l’an dernier”, depuis le temps qu’on joue à ce jeu on n’a pas gagné à tous les coups !
Pour 2022, La Mine vous souhaite de belles rencontres, du bon son, quelques bières bien fraîches et de la bonne humeur !

Micki Sardust

SONS D’ICI & D’AILLEURS

Après deux ans sans imprimer, ce numéro #93 a subit quelques erreurs d’impression et quelques pages sont illisibles dans notre papier papier ! Veuillez nous excuser, vous lecteurs et en particulier les groupes chroniqués dans notre rubrique Sons d’ici & d’ailleurs.
Vous trouverez les chroniques ci-dessous. Cependant, notre version web échappe à ce problème de lecture et est parfaitement lisible 🙂

OCTOBER – Vertiges

(autoproduction)

October est un trio qui flotte en aquaplaning entre électro et pop. Les trois musiciens composent des titres où le spleen est largement présent : Clément à la guitare ou la basse, c’est selon, Eddie à la batterie agrémentée d’un pad électro et Niko le chanteur qui, en parallèle effleure des claviers analogiques. Un soupçon de vague à l’âme dans les textes, les claviers présents comme les grandes orgues d’une église un soir de fêtes liturgiques, des chœurs aux relents parfois gothiques, une rythmique basse/batterie toujours impeccable et solide comme un chêne au centre d’une forêt sonore noyée dans un brouillard épais, et la voix de Niko qui navigue sur des vagues de tonalités joliment hétérogènes, allant parfois laisser penser, sur quelques compositions, que notre Johnny national accompagne le groupe (cf : Back in Time). Une expérience certaine et une indéniable maitrise musicale est palpable dans ce trio Isariens dynamique qui produit lui-même cet EP six titres. Recommandé pour une écoute sous la neige un soir de pleine lune.
Dolu_II
 

LA COLONIE DE VACANCES – ´ECHT´

(Vicious Circle)

Mai 2017 porte de la Villette, ce jour-là le festival la Villette sonique accueille pour un concert, non pas un, mais quatre groupes, jusqu’ici rien d’original, non, mais attend le truc fou c’est qu’il joue en même temps, QUOI ? qu’entends-je ? Oui en même temps, mais comment est-ce possible me diras-tu ? Le public est au centre de la salle (sauf que moi c’était en extérieur) et les groupes sont autour (je t’avais dit c’est un truc de fou) ! En plus c’était le premier concert où j’emmenai mon amoureuse, et un vieux pote qui s’était renversé un verre de vin rouge sur le futal pendant qu’il draguait une gamine de 16 ans. On s’en fout OK je continue … donc quelle claque ! On a la tête qui tourne dans tous les sens,
les groupes se répondent, c’est jamais brouillon toujours jouissif. Donc La colonie de Vacances c’est quatre groupes : papier tigre, pneu, Marvin, electric electric. Le disque, il est bien ! Mais ne rends pas vraiment compte du phénomène en concert. Alors ils avaient déjà tenté des projets sur galette, le résultat est parfois très bon comme sur le Livre/disque ‘La Colonie de Vacances’ en 2017, où les membres des quatre groupes sont réparties de manière aléatoire et commencent chaque piste de manière identique avant de partir dans tous les sens. Le résultat est bluffant. Perso j’ai pas été emballé par les premières écoutes de ce nouveau projet, peut-être parce que je m’attendais à trouver un truc
super original, mais bon, sinon ils auraient pu faire quatre disques puis tu les ferais tourner sur 4 platines que tu lancerais en même temps pour reproduire l’effet concert (genre il faudrait faire un crédit pour pouvoir écouter le disque).
Sortie le 28 janvier

Mero’d Steewart

TÉLÉGRAM – Le long des méridients

(10H10)

Leur premier album éponyme était très réussi. La qualité et le raffinement de l’esthétisme m’avaient enthousiasmé au point de m’en vouloir encore aujourd’hui d’avoir loupé un de leur concert (un Day Off sans com un 1er avril). TELEGRAM, c’est coché dans mes RDV manqués alors quand les Bordelais ont pondu une nouvelle galette cet automne, j’étais toute joie. On retrouve Vincent Kebous (Les Hurlements d’Léo),Chloé Legrand (La Cafetera Roja), Vincent Serrano (Les Hurlements d’Léo), Hugo Raducanu (In Vivo) et Julien Perugini pour un album entremêlant les sons et les codes de la folk, du rock, du hip-hop avec grâce et subtilités. Les textes poétiques sur nos états d’âme ou la folie des hommes sonnent comme des invitations au voyage et à la prise de recul. On y retrouve une reprise
personnelle de « la chanson de Prévert » et des compositions réussies sur lesquelles une multitude d’instruments de musiques du monde sont mis en valeur et rend une rare singularité à cet album sublime. Un album « de traversées poétiques ».

Ubik MoreTTo

THE SELENITES BAND – Behind The Mask

(Label Sandal)

J’avais reçu il y a bien longtemps une K7 qu’un tourneur distribuait tout azimut. Ce dernier proposait des artistes éthiopiens. À l’écoute, toute la maisonnée tomba amoureuse d’un groove palpitant et lancinant, inédit pour nos oreilles, et ces nouveaux sons firent le bonheur des DJ’s lors de plusieurs soirées privées « at home ». Récemment, je reçois un superbe vinyle d’un groupe bien éloigné de l’Éthiopie, des français, mais également des « habitants supposés de la lune » : The Sélénites Band. C’est un collectif dirigé par Obi Riddim qui après s’être pris d’amour pour la musique de Mahmoud Ahmed, Mulatu Astatke ou Girma Bèyènè, et quelques autres, décide de reprendre, et aussi de composer des titres
ensorcelants où les mélodies s’inspirent sensiblement de ce style décontracté tout en y mêlant diverses influences voguant de l’afro-jazz au psyché en lorgnant sur le krautrock. Un hommage sincère à cette musique envoûtante et dansante où Antoine Laloux (le fameux Obi) joue de la flûte, du piano Rhodes et du Farfisa avec Marc Buvry qui lui est au Saxophone Baryton également au piano Rhodes, Fabrice Leroy c’est le contrebassiste, Julien Paris le batteur, et Nicolas Dubuc le guitariste. Un voyage chaleureux d’une cinquantaine d’années en arrière lorsque Addis-Abeba était radieuse et gaie aux sons jouissifs et captivants de l’Afro-Éthio (ou Éthio-Jazz), cette transe de la Corne africaine quasi
disparue à l’arrivée de la junte militaire, mais remise en lumière dans les années 90. The Sélénites Band c’est du soleil pour toute l’année, et même pour les suivantes.

Truc-Muche (mais sans Muche)

SWEET SCARLETT – Rockin’ that Soul

Pour ceux qui ne le savent pas encore, Sweet Scarlett est un quatuor originaire de Laon dont la particularité est d’être un projet familial avec Patrick Hiblot le père à la guitare, ses fils Vincent à la basse et Rémi à la batterie, et enfin Caroline Erdman la compagne de Rémi. Ce troisième album « Rockin’ that Soul » est dans la même lignée que le précédent sorti en 2018, même source de financement participatif, 10 titres dont une reprise. La différence se trouve dans la maturité acquise suite aux nombreuses scènes et festivals foulés, mais aussi dans la maîtrise du son, toujours enregistré au Studio de la ville Basse. Je ne leur ferai pas l’affront de dire que les musiciens ont gagné en maîtrise technique de leurs instruments, car c’était déjà du très haut niveau d’exécution sur les opus précédents. Non, mais par contre, le groupe possède sa signature sonore, son univers, le tout est cohérent et s’écoute d’une traite. On en redemande… Quant au contenu, on passe facilement d’ambiances rhythm and blues, au funk, en passant par la soul. Ce côté chaleureux que l’on ressent graphiquement en admirant la magnifique pochette. La voix de Caroline y est pour beaucoup, toujours dans la maîtrise, jamais dans l’excès. Nous pouvons en dire de même du jeu de guitare de Patrick, un virtuose de la six cordes, qui ne tombe pas dans la démonstration technique prétentieuse, mais il sait faire sortir de son instrument toutes ses émotions, comme sur le solo de « Final Call » par exemple. Mention spéciale également au travail effectué sur les chœurs. L’unique reprise de cet album est « All along the watchtower » écrite par Bob Dylan, mais interprétée à la façon d’Hendrix, ce cover est juste parfait, les notes de Patrick s’envolent, tandis que la section rythmique des frangins Vincent et Rémi est digne du groove de l’Experience de Jimi. Allez voir en live les Sweet Scarlett dès que vous en aurez l’occasion, ils étaient notamment en résidence à La Manufacture de Saint-Quentin pour travailler leur show.

Ozzyludo

ABRAHAM FOGG – Blakulla

Nous évoquions la sortie de leurs 2 singles de « Metamorphosis » accompagnés de leurs clips à la cinématographie remarquable dans notre numéro de septembre dernier. Blakulla tient toutes les promesses qualitatives des courts métrages d’ Abraham Fogg. Un clavier léger, un coeur qui bat sur des cordes frottées à un rythme crescendo nous transpose dans un univers « d’entre deux mondes », une musique electro baroque lumineuse et sombre qui
rappelle parfois la bande-son du monde à l’envers de Stranger Things. Dans le vif du sujet dans un vol des sorcières aux basses profondes, aux changements de rythmes planants et entraînants accompagnés de cœurs de cordes sonnant comme des complaintes de chants de sirènes. Les morceaux des Nantais nous racontent une histoire sonore sans paroles où il est question de sorcières, de diable, de cérémonie, d’exorcisme, d’argent, de chambre de torture et de magicien.
L’expérience Abraham Fogg est indissociable de leurs courts métrages magnifiques qui accompagnent trois de leurs compositions dont le remarquable « Money »» récompensé du prix du meilleur film expérimental au New York Film Awards ! Loin des standards de l’electro française aux sons en mode radio, Abraham Fogg creuse son trou dans le monde des musiques actuelles. Le duo y va même à la pelleteuse tant leur univers séduit.

Ubik MoreTTo

Oï BOYS

Le Grand Est , la Moselle et ses hivers longs a vu naître quelques pointures en tout genre : A.H Kraken , Scorpion violent ou encore la grande triple entente internationale de l’Est dont l’un des membres chantait « Il y a deux choses qui font un homme : sa drogue et sa ville/ Messin plutôt que Français » : le décor est
planté et Oï Boys ne pouvait venir d’ailleurs : le duo composé de Valentin et Mathieu, par ailleurs performer dans « le seul élément » : musicien singulier qui projetait son ombre jouant de la batterie et quelques loops sur un drap blanc. Autant vous dire que les 11 titres qui suivent brillent par leur radicalité. Oï boys c’est du punk sur boîtes à rythmes (ça fait 25 ans qu’on vous dit de virer votre batteur… Sauf si vous faites du métal…). Alors vous allez me parler des Béruriers noirs , je vous répondrai Noir Boy Georges tant les deux entités semblent avoir échangés leurs synthés lors de soirées messines. Il s’agit le plus souvent de presets strings glaçants, mais plutôt joués dans les bas médiums : nous sommes donc en territoire coldwave l’apport d’une guitare teigneuse et le 4/4 uptempo d’une sévère kick/snare / h-hat permet à Oï boys de balancer leurs chroniques sociétales avec ce qu’il faut de lyrisme de glorieux perdants ., biens conscients
qu’à tout se faire niquer autant savoir comment on va être dépecé. Chaque morceau pourrait le titre d’un chapitre de : « et leurs enfants après eux » : « La liste » défouraille d’entrée et donne le ton : les aspirants bourgeois du populo pris dans leur absurdité « Tu peux trouver la Foi, nous on restera des rats », « les vauriens sont envieux, les vautours crèvent seuls . Sur « déjà Reines », les textes offrent le meilleur témoignage de frustration froide depuis l’anamour. « Jack
Palance » est hargneux sur fond de cordes synthétiques et de guitare bruitistes puis riffeuses. « Le film est mauvais » et ses manifestes gueulés/ gouaillés. « mourir accompagné de rien » clôt sur du sépulcral. Le genre de titre à placer la veille du Nouvel An entre deux Adriana Grande, histoire de remettre les pendules à l’heure. « Ici la France tu la prends dans la gueule » devrait être le slogan électoral du parti des vauriens qui hélas, n’aura pas le droit de citer en cette année
2022 : An 1 de l’ordre moral et obscurantiste de l’Empire Bolloré.

Otto Brute

STAZMA – Leftovers
THE JUNGLECHRIST – / MADNESS

Le breakcore de Stazma est volubile : voici qu’en deux ans on ne compte plus le nombre d’EP qu’a sorti Julien : de repeat/eater à junglechrist : l’homme aux commandes de « concrete collage » a crée un écosystème que je vous laisse arpenter sur bandcamp (ou sur son site concretecollage.com) . De la jungle au hardcore, en passant par, l’homme a su digérer les influences et a opté pour le style , on va dire électro, le plus épileptique qui soit. Son langage est basé sur les concassages de breaks en tout genre. Au hasard, on trouvera certainement dans ses productions un amen-break choppé s’agglomérant avec un bout d’apache- break, le tout en reverse avec une pointe de bit reducing et de Ctrl D frénétiques sur Ableton Live : voilà le vocabulaire qu’a su patiemment mettre en place Stazma the Junglechrist. L’expressivité passe surtout et avant tout par le break : ici l’ampleur que prennent ces enchaînements percussifs induit des lignes mélodiques épurées, pas plus de deux par morceaux ( sur « PolyG »). Dit comme cela, ça paraît bien clinique, mais l’apport du breakcore est de faire des drums les véritables solistes d’un morceau, l’interprétation n’en est que plus sauvage ( sur « Madness »). L’évolution au sein d’un morceau se fait tout en nuance sur fond de sauvagerie, les séquences amenées par les breaks sont multiples et s’enchaînent tantôt en cavalcade, tantôt en temporisant . Les paysages évoqués se précisent avec les voices torturées à base d’FX (« Waking up my girlfriend »).Le breakcore de Stazma The Junglechrist c’est le boredoms de l’électro, le Slayer du kick/snare épileptique. Stazma nous gratifie en plus d’un recueil de faces B/remixes avec la sortie en parallèle de « the leftover » et à l’écoute de ces 8 titres , on se dit que les morceaux « mis de côté » sont d’une incroyable unité. La reprise de clipping où seul subsiste l’a capella du rappeur de « Pinball trauma » et son intégration parfaite des Rolls de batterie sur les ratchets de basse acide. « Yoctobots » toujours un peu dans l’acide nous propose une expérience plus downtempo .
« October Mantis » est une expérience entre breakcore et 8 bits sur un tapis roulant de kicks à la direction changeante … On en arrive au surprenant remixe de Pogo Car Crash Control : « ta gueule et crève » qui réussit à capter la sustentifique moelle de ce brûlot du combo punk. Stazma the junglechrist est une expérience à ne pas maquer si on désire comprendre la radicalité électro actuelle.

Otto Brute

Écouter les groupes chroniqués dans ce numéro sur YouTube :