
Je couvre encore une drôle d’affaire. La Biscuiterie. Qu’est-ce que ça pouvait bien cacher ? Je claque la porte de ma voiture sous une pluie battante, et me réfugie sous mon imper. Ma pipe et moi sommes bien bourrés ; je grommèle. Ce n’est pas le moment de se faire remarquer, je suis ici pour une affaire sérieuse. Je passe la porte d’entrée, après qu’on m’ait dessiné un sourire sur la main droite avec un marqueur. En poussant l’épais rideau, je comprends avec stupeur que je suis déjà venu ici. Cette musique, ces gens qui dansent, l’odeur de la bière : cela ne laisse aucun doute !
« Une réflexion s’impose », me dis-je en m’éloignant de l’effervescence avoisinant la scène. C’est quelques mètres plus loin, sur un canapé, que tout me revient. J’avais poussé ce rideau pour la première fois en quatrième, bercé à l’époque par les douces mélodies d’Oberkampf, et pour le coup, bien avisé. A ce moment, le groupe entame son rappel et je m’accoude à un bidon pour en finir avec ma madeleine de Proust. Car en effet, rien n’a changé. Oh, bien sûr, la salle a été refaite, et je m’y sens à mon aise. Mais au fond, je sais que le mur recouvert de disques, les tables, le bar et moi, partageons un sacré bout de chemin. Autour de moi, beaucoup dansent. D’autres, comme moi observent, pleins de bienveillance, ce noyau débordant de vie s’exalter sous les projecteurs. En repoussant le rideau, une pensée me vient : je sais que je reviendrai, parce que j’y ai toujours laissé un peu de moi.
Capt’N
[hupso]