
En juin dernier avait lieu le Summer Party Festival, Romain Humeau était présent lors de cette édition 2017. Une rencontre entre le fanzine et l’artiste a eu lieu.
Interview sans langue de bois et pleine de bonne humeur. Merci
La Mine : On te connaît comme membre de Eiffel, quelle est la différence entre Eiffel et le projet Romain Humeau ?
Romain Humeau : Je ne joue pas du tout le répertoire de Eiffel. Je vais répondre simplement, il y a deux points. Le premier c’est que ce sont des chansons, il n’y a aucune différence. Le deuxième, c’est qu’il y a toutes les différences. Eiffel c’est une formule entre guillemets fixe ancrée, c’est un groupe, on est quatre. Alors que dans le projet Romain, j’ai sorti « Mousquetaire #1 » qui est plutôt pop et « Mousquetaire # 2 » va être plus rentre dedans.
Pour moi, il n’y a pas de différence. Je n’écris pas de chansons pour Eiffel ni pour Romain Humeau. J’écris des chansons depuis que je suis gamin, après elles sont biens ou pas, ce n’est pas le problème, j’en jette énormément. J’en garde 20- 30 par an. Elles peuvent aller dans Eiffel ou dans Romain Humeau ou peut être que demain je monte un autre groupe.
Mais je suis plus de cette culture qui est celle de David Bowie, Damon Albarn, c’est-à-dire de pouvoir butiner, de ne pas être affilié. Je n’accorde aucune importance à ma personne mais beaucoup à la musique. Le truc qui est très différent entre Eiffel et Romain Humeau en solo, c’est que Romain Humeau peut vraiment se barrer dans des sons, je peux jouer avec d’autres gens, je ne suis pas obligé d’avoir le même groupe, c’est pas mon but. Là par exemple, on est sur une formule assez pop, il y a pas mal de batterie et de musiques électroniques jouées et pas programmées, chose qu’il n’y a pas dans Eiffel. Par contre dans Eiffel il y a beaucoup plus de claviers. On a tous une culture différente.
Certains viennent de la culture punk-rock et d’autres du conservatoire, ce qui permet à un moment donné de pouvoir terminer la tournée complétement différemment ce qu’elle a été au début. C’est ce genre de choses qui m’intéressent, et ça on ne peut pas le faire dans Eiffel.
La Mine : En fait, tu fais de l’exploration musicale ?
R H : Hier, mon nouveau tourneur me demandait comment je fais pour différencier Romain Humeau et Eiffel parce que c’est quand même ma voix et mes chansons. Je lui ai répondu que de ce côté-là il ne faut pas différencier. Par contre Eiffel, c’est 4 personnes attitrées avec deux guitares, basse, batterie, alors que Romain Humeau sur scène c’est un peu le bordel à Walt Disney, ça part dans tous les sens, il n’y a pas telle personne avec tel instrument. J’adore le truc de Damon Albarn avec Blur, Gorillaz, The Good The Bad & The Queen et Damon Albarn en solo, dans ces projets il y a des membres similaires, c’est une équipe. Je préfère bosser en famille, donc il y a une vingtaine de musiciens autour de moi, parce que on se connaît, on peut aller vite.
La Mine : J’ai cru voir ou lire dans une interview que tu défendais un peu l’indépendance artistique, créative et musicale. C’est une liberté, mais à quel prix ?
R H : Je ne pense pas qu’elle soit généralisée. Chacun a sa manière d’être indépendant. J’ai beaucoup d’amis artistes qui sont indépendants, de toute façon tout le monde est indépendant artistiquement ou croit l’être. Il y a aussi des gens qui se disent artistiquement indépendants alors qu’ils ne le sont pas du tout, ils sont totalement influencés par une mouvance, une manière, des trucs, etc… . Je fais vachement gaffe à ça. Dans mon cas, l’indépendance artistique c’est peut être avoir signé chez Pias en 2009, un label dit indé, mais qui est le plus gros label indé français, c’est-à-dire qu’il ressemble totalement à Universal, et leur avoir demandé il y a 3 mois de partir, pour être nulle part. C’est fabuleux, j’ai 46 ans et j’ai quand même fait 12 albums etc… et je considère ça comme un progrès, une modernité. C’est génial d’être chez « nulle part ». En fait, je ne suis pas nulle part parce que l’on monte notre boîte de disque qui s’appelle Seed Bombs Music. Je connais bien le problème de l’indépendance, mais en même temps je ne vais pas mentir, j’ai été dans diverses maisons de disques. Par contre artistiquement j’ai toujours été indépendant.
La Mine : Tout ce qui est scène indépendante et Do It Yourself, revient en force actuellement, même si n’a jamais disparu. Ce retour aurait-il un rapport avec la société d’aujourd’hui ?
R H : ça n’a jamais disparu mais il y a quelque chose de capital de nos jours, qui est le net. Je n’ai pas un discours jeuniste, je risque d’être assez acerbe à ce sujet et c’est un long débat. Le discours jeuniste c’est, quand il y a des gens de mon âge justement plutôt bobo à Paris qui te disent « ouais il faut vivre avec son temps ». Si vivre avec son temps c’est accepté d’avoir ta vie qui est là mais qui est aussi dans la Sillicon Valley avec des mecs qui pédalent pour savoir ce que tu as regardé sur ton net. Moi, je refuse ça, je veux me débrouiller par moi-même, je vais aller chercher les infos par moi-même. C’est un outil fabuleux comme la télévision l’était.
En fait pour la musique, tout a été suçoté via la stream, i-tunes, spotify, deezer ,etc… et tout le monde dit « c’est génial je ne paye que 7€ ». C’est comme si je te disais que ce que tu as gagné ce mois –ci c’est pas à toi, mais à moi. Pour la musique c’est pareil. Et du coup, ça déteint sur les concerts et sur toute l’industrie telle qu’elle a été faite. Et donc, les jeunes qui ont 20 berges et qui arrivent, soit ils se disent « oh ben non je ne fais pas de musique ça ne peut plus rapporter gros ». Avant c’était un peu sexy la musique, il y avait vachement d’entertainers . Il y en a encore quelques-uns mais ils vont disparaître et ça c’est plutôt pas un mal. Si tous les connards pouvaient disparaître parce que ça ne fait plus de fric c’est génial. Par contre, il y a des gamins qui disent « non, moi je veux faire de la musique, c’est la merde, mais je me démerde ». Ils font du facebook, du teasing. Et ils y vont quoi : faut que je me trouve un bar, faut que je joue, faut que je fasse des flyers, faut que j’appelle. Ce genre de choses c’est trans générationnel, c’est rock’n’roll.
L’idée d’indépendance, elle nous est imposée et tant mieux. En ce moment, je dis que je n’ai jamais souhaité et que je n’ai jamais été là pour y arriver, c’est un trajet, jamais je n’arrive.
Pour moi, c’est pas l’Etat qui doit dire « amusez-vous » comme pour la fête de la musique, et à minuit on range les poubelles, vous avez écouter « Hey Joe » pour la 23ème fois. C’est pas ça la culture. Ça, c’est de la standardisation avec les i-phones et l’obsolescence programmée.
La Mine : Pour toi, c’est plus dans le fait de faire des choses, d’organiser des choses ?
R H : Oui. Et j’irais un peu plus loin. Il y a organier des évènements avec des personnes et organiser des évènements avec des mairies ou la DRAC. Et ils se disent « bon ben on va programmer tel groupe et on fera une vente buvette / bar ». C’est tout le temps la même chose, mais il y a eu Prévert, Boris Vian, il y a eu des gens tarés. Pourquoi on ne nous fait pas arriver sur des ânes ? Et pourquoi il n’y a pas une AMAP qui vient pour faire une soupe à l’oignon ? Et faire participer les gens, leurs dire dès l’entrée qu’ils ne payent pas, mais de leurs imposer de faire un dessin. Et ce, pour inciter les gens à créer, ça fera un psy en moins à payer. Sans déconner ça permettrait de se libérer et d’être un peu plus fous. Moi, j’ai besoin que l’on me fasse me sentir libre et je pense que mon rôle comme tous les autres, c’est de faire sentir les gens libres. On le fait chacun à notre manière avec ce que l’on a dans les pognes pour le faire.
La Mine : punk / rock / ou sans étiquette ?
R H : Sans étiquette, je préfère vraiment. Mais je comprends bien qu’au bout d’un moment c’est compliqué. Je sais ce que j’ai fait, je sais d’où je viens et je sais où je vais depuis que j’ai 20 ans. Et donc, si j’ai la chance de ne pas être crevé à 80 berges , parce que je pense que c’est beau de vivre et que je souhaite vivre le plus longtemps possible et dans la meilleure santé possible. Et bien à 80 berges je ferais d’autres choses parce que j’en ai très envie pour plus tard. Il me tarde de m’être bonifié comme le vin. Je ne cesse de dire que je ne suis pas punk, que je ne suis pas rock et que je m’en fous.
La Mine : Tes dernières découvertes musicales.
R H : Feu Chatterton ! et pourtant je ne suis pas un grand fan de rock français. Little Dragon en électro suédois avec une chanteuse japonaise.
La Mine : Le mot de la fin.
R H : J’espère que l’on fera de nouveau une interview dans 4 ans dans un autre contexte. Bon courage à vous parce que je sais que c’est comme nous, c’est pas simple alors accrochez –vous !
Propos recueillis par Baba
[hupso]