Grégory SMETS, Uproar for Veneration Records

Photo : Yannick Lagier

Rencontre avec Grégory Smets du Uproar for Veneration Records

Si Grégory Smets était un insecte, il serait certainement un joli papillon de jour. Un truc hawaïen avec de grandes ailes poilues et peinturées de toutes les couleurs, comme les célèbres chemises qu’il porte depuis presque 30 ans. C’est au début des années 90 que notre ami Greg s’investit à fond dans la scène underground.

C’est à cette époque que nous faisons connaissance. Il me fait voir nos premières correspondances, les lettres qu’il a gardées, j’hallucine ! A l’époque, il n’y a pas internet et les fanzines sont légion. Il ne jette rien et entasse depuis toujours des documents divers et pas seulement des disques. C’est aussi un passionné de fanzines. Il est même, depuis 1996, rédacteur dans le célèbre magazine Presto. C’est lui qui chronique et fait des interviews des groupes les plus déglingués et les plus underground. Sa maison, c’est la caverne d’Ali Baba. Encore aujourd’hui, et je l’ai vu de mes yeux, il n’y a pas une seule pièce dans laquelle on ne trouve pas des milliers de disques ou des centaines de revues. Parfois, on ne peut pénétrer tellement les cartons s’entassent. C’est comme un déménagement qui s’habille - Mais Greg ne partira pas… Cette maison c’est aussi sa vie ! Le personnage est tellement attachant qu’il est aimé et respecté de tous les passionnés de hardcore, de noise et de musiques triturées. Tout le monde connait Greg dans la scène ! Quand on dit que les gens du nord ont du coeur, il en est le parfait exemple. Sa passion dévorante l’a même un peu consumé de l’intérieur, c’est un peu flippant à voir parfois. Les mecs comme lui mettent tout leur argent et consacrent leur vie pour sortir les disques, animer des émissions de radio, organiser des concerts et des tournées pour promouvoir la scène alternative. Greg, c’est tout ça ! Quand on lui demande de parler de ses projets, ça bouillonne !

« Je vais sortir prochainement le nouvel album de MINUS LOUIS XVI (jazz expérimental noise), FEROCES (post rock-noise), MERCURE (sludge rock), MESSIEURS (noise – garage – lo-fi ), CHARBON (math rock – post rock), ENDLESS DIVE (post noise - math rock)… »

On est dans un bar du centre de Lille, il me parle de projets de fanzines et de livre, ça part dans tous les sens, je ne comprends pas toujours ce qu’il me dit. Il ne s’arrête plus de parler, une vraie pile électrique.

« J’ai également deux nouveaux projets d’écriture. Depuis quelques années, je me suis mis à écrire ma propre biographie. Je suis très surpris que parmi les gens que j’ai rencontrés durant plus de trente ans, très peu se sont consacrés à l’écriture pour raconter leur expérience à travers la musique et leur vie. Car les musiques que nous aimons, ce n’est pas elles qui viennent à nous mais c’est nous qui devons aller vers elles. Des gens font des blogs mais je reste encore pour le format papier. Ça reste !

Je connais tellement de gens qui ont beaucoup fait pour la scène punk, hard core, émo, expérimentale, crust,… Dans l’organisation de concerts, de fanzines, radios, graphistes,… Sans ces gens, je ne serais pas là aujourd’hui. Ils m’ont donné leurs passions, leurs engagements, leurs enthousiasmes, leurs inspirations… L’autre livre, j’y parle de mes nuits lilloises, quasiment exclusivement des concerts dans des endroits qui malheureusement n’existent plus. Ils sont devenus restaurants, fleuristes, pharmacies, banques, assurances, appartements, maisons,…. Que les gens se disent : ouha ! Amen Ra ils ont joué dans un appartement en 2006 à cet endroit c’est impossible ! Et si. Wool (ex : scream) on était dix personnes en 1994, Shaggy Hound (on était deux personnes),….. La liste est très longue ! J’ai quasiment tout retrouvé des flyers que j’avais conservés de l’époque. Ça sera mon histoire. »

Propos recueillis par Chris

Tang album "And still no sunrise"

 Ce spécimen rare de lépidoptère méritait bien que l’on lui consacre un bel article. C’est aussi l’occasion de vous présenter les quatre nouveautés du label sorties cet été.

TANG « and still no sunrise » Un nouvel album de Tang sort sur le label de Greg. Je suis déjà surpris d’apprendre que ce groupe de Lille existe toujours. Le son est plus puissant qu’il y a 15 ans… Je dois rebrancher la platine CD car je n’écoute plus ce support depuis longtemps. C’est tout juste s’il ne faut pas sortir le fer à souder. Du coup, je vais réécouter leur premier album. Je me souviens maintenant de ces chansons d’emo core très mélancoliques et lugubres qui pouvaient rappeler les Allemands de Yage. A l’époque, j’adorais ! Le line-up est presque identique et le style n’a pas énormément évolué. Le son est plus puissant et la musique est devenue un peu plus violente, mais c’est beaucoup moins triste dans les mélodies. Si Tang était une plante sauvage, ce serait peut-être la Morelle noire. Cette mauvaise plante de la famille de la pomme de terre, que j’arrache souvent entre les pieds des patates. Elle aurait des vertus qui soulagent la douleur. Les sorcières utilisaient aussi les fruits très toxiques pour rencontrer le diable.

 

RARE ANIMALS « Arc » est une autre nouveauté du label. Ce sont de vieux amours de Greg puisque l’on retrouve dans ce groupe américain le chanteur et guitariste Bryce Martin. Il jouait également dans Die Princess Die. Les versions européennes des albums de ce groupe noise déjantée étaient sorties sur Uproar For Veneration en 2008 dans un super digipack. Avec Rare Animals c’est beaucoup plus mélodieux et planant. Les ambiances sont fantomatiques et angoissantes grâce notamment au chant lointain plein de reverbe, de chorus et autres distorsions. Et cette guitare affolante et terrifiante qui semble flotter dangereusement autour de vous avec des accords magnifiques, vous glace le sang. Rare Animals est certainement à classer dans l’ordre des hyménoptères. C’est une horde de frelons asiatiques vrombissants qui se précipite sur des mouches butineuses et d’un geste précis et rapide, leur coupe la tête.

Rare Animals "Arc"
Eastern Trade album "Tell the universe"

EASTERN TRADE « Tell the universe » Ce duo Lillois propose un premier album 7 titres. Le chant est vraiment bien et me fait penser un peu à celle d’Eddie Vedder du groupe Pearl Jam. Les structures des chansons qui tournent permettent au chant de prendre beaucoup de liberté. Le chant part dans pas mal de direction et les mélodies sont souvent inattendues. A la fin, cela donne un style plutôt original. Une jolie découverte comme la vue d’un très beau coléoptère devenu rare !

BIG BERNIE « Yersey » Ce groupe de Dunkerque offre un rock progressif plutôt trituré. Au début, c’est très calme. On navigue tranquillement sur des ambiances océanes, le ciel est bleu, les oiseaux chantent. Et alors, arrive la tempête. Tout se déchaîne et Yersey vous retourne le cerveau. On peut parler de math rock, car les compos deviennent très techniques. Et puis tout redevient calme et reposant comme une mer apaisée. Personne ne chante dans ce groupe, mais sur scène le trio propose des projections vidéo qui doivent vous faire voyager et vous faire entrer plus facilement dans le monde abyssal et étrange de BIG BERNIE. Pas de doute, il faut plonger profondément pour apercevoir la bête !

 

Big Bernie album "Yersey"

[hupso]