Live-report : Zikenstock festival

Photo : Ozzyludo

Zikenstock Festival 2017 à Le Cateau-Cambrésis

Les vendredi 5 et samedi 6 mai 2017, s’est déroulée la 14ème édition du Zikenstock Festival à Le Cateau-Cambrésis (59), petite ville rurale calme mais qui devient électrique une fois par an quand des groupes « punk » internationaux et un public européen envahissent l’espace du Marché aux Bestiaux le temps d’un long week-end.

Live report par Ozzyludo

La première journée a commencé par les locaux Radical Suckers originaires d’Aulnoye-Aymeries (remplaçants de dernière minute des thrashers allemand Code Red), suivis par la grosse découverte qu’est Psykokondriak, hydre à six têtes de Lille mélangeant metal et hip-hop, pour les fans de Body Count et Beastie Boys. Le jeune crew mené par deux MCs sera un coup de cœur de la journée, malgré le peu de personnes dans la fosse. Tant pis pour ceux qui l’ont raté ! Un groupe fun à suivre car ça risque de devenir énorme, encore faut-il rencontrer les bonnes personnes et être au bon endroit au bon moment… Pour la petite histoire, le point commun entre ces deux formations locales qui ont ouvert le bal, est la présence de Clém connu comme étant le dernier bassiste en date des fameux Toxic Waste. Quel don d’ubiquité…

Ensuite, place aux parachutés de dernière minute, les Lion’s Law, groupe skin de Paris qui a la lourde tâche de remplacer une tête d’affiche… En effet les mythiques anglais Angelic Upstarts ont annulé leur présence au festival pour la deuxième année consécutive pour raisons de santé… Décidément quand ça veut pas, ça veut pas… Lion’s Law a reçu les honneurs du public. Le combo est en quelque sorte le chef de file du renouveau Oï français qui s’exporte à l’international dans des gros festivals. Ils ont assuré leur show avec charisme, fierté et arrogance. Et comme l’a dit le leader Victor « Comme vous, nous aurions aimé voir Angelic Upstarts sur scène, mais place aux jeunes ! ».

Leurs grands frères parisiens de 8°6 Crew ont enchainé avec plus d’une heure de concert aux sonorités ska. Ils ont retourné le public avec classe et expérience. Le chapiteau était plein à craquer. Depuis plus de vingt ans, les 8°6 cultivent l’esprit du ska made in France dans plusieurs pays. Ce sont des légendes, mais ils sont restés très simples et proches de leurs fans. La musique est avant tout une histoire de copains, de galères, mais pas un business. Respect à eux ! J’en profite pour faire un coucou à mon pote Iky (le géant derrière le clavier) et à Muzo au saxo (ex-La Souris Déglinguée). Les 8°6 Crew seront en concert à Saint-Quentin, salle Vermand-Fayet, le 10 novembre 2017, save the date !

Ensuite, place à l’artillerie lourde. D’abord les new-yorkais The Casualties menés par le sympathique leader Jorge, 53 ans m’a-t-il avoué, il ne les fait pas ! Ses mentors sont Eddie Cochran et Paul Di'Anno. Le quatuor a cassé la baraque en moins d’une heure montre en main. Pas de répit, pas de rappel. Parmi les temps forts, nous retiendrons les moments où Jorge s’envoie une bière et une bouteille de rouge bouche grande ouverte, ou encore pendant la reprise « R.A.M.O.N.E.S. » de Motörhead quand il quitte la scène en courant direction backstage pour ramener un plateau de bières pour son groupe et les fans. Pour info, dans l’après-midi, il me confia qu’à New-York il écoutait les Bérurier Noir étant jeune. C’est ainsi qu’au milieu du set, il entonna les « palam palam » du refrain de « L’Empereur Tomato Ketchup », repris en chœur par la foule ! Sorti de scène, il fut enchanté quand je lui ai présenté Jean-Mi aka Junior Cony, l’homme derrière les machines des Bérus et, justement, des Ludwig Von 88 qui s’apprêtent à monter sur les planches.

Les Ludwig donc… Trio ou quatuor dont on n’avait plus de nouvelles depuis 1999, et s’étant reformé l’année dernière pour le Hellfest et de grosses dates. Leur prestation fin juillet 2016 au festival des Nuits Secrètes à Aulnoye-Aymeries n’avait pas convaincu tout le monde. Ce soir au Zikenstock, malgré les pains et les soucis techniques, nous avons eu droit à du grand LV88 ! Dans la fosse et sur scène c’était la folie entre les déguisements, les cotillons et les fumigènes. Bref, du grand n’importe quoi, mais on sent un véritable plaisir entre les potes de rejouer ensemble. La setlist commence fort avec « Oui Oui et la voiture jaune » suivi de « Louison Bobet for ever ». Le reste sera un joyeux bordel oscillant en punk et chansons baba. Certes nous sommes à l’opposé de la musicalité et de la finesse d’un 8°6 Crew, mais nous assistons à une communion et nous pouvons (re)vivre les grandes heures de la scène alternative des 80’s !

La vraie tête d’affiche revenait donc par défaut aux Ludwig, puisque pas de bol, The Exploited est amputé de Wattie son leader charismatique… Il est hospitalisé depuis plusieurs semaines suite à un malaise en début de tournée européenne, crise cardiaque, il ne va pas très bien. Les mauvaises langues pourront dire que nous avons assisté à un tribute band, mais ce ne fut pas le cas puisque le batteur est Wullie (frère de Wattie) présent depuis 1983, le bassiste est le sympathique Irish Bob présent depuis 2003 et assurant le rôle de leader intérimaire, enfin le guitariste est Robbie "Steed" Davidson apparu pour la première fois dans le combo en 2001. Le groupe tournant en plateau avec The Casualties, les vocaux seront assurés à tour de rôle essentiellement par Irish Bob, et un peu par Robbie, mais surtout les guests Jake et Rick, respectivement guitariste et bassiste des Casualties. Même le tour manager prendra le micro sur « Fuck the USA ». Nous préférerons oublier la présence catastrophique de Victor de Lion’s Law sur scène et en guest au micro, il était très fatigué… En outre, la poisse jusqu’au bout, Wullie a explosé la peau de sa grosse caisse lors de « Beat the Bastards ». Donc pause technique, le temps de changer une partie du kit de batterie. Que retenir de cette avant-dernière date de la tournée de The Exploited ? Un set difficile (Irish Bob pas satisfait en sortant de scène), un chapiteau s’étant un peu vidé… Oui Wattie était absent, mais son frère et ses amis ont joué pour lui en son honneur ! C’est lui qui a voulu que la tournée ne s’arrête pas… Nous avions tous une pensée pour le leader de ce groupe mythique. Même si plus tard, en saluant le groupe et en leur disant à la prochaine, Wullie me confia « you know, maybe this is the last time you see us »… C’est triste de, peut-être, finir une carrière ainsi…

La seconde journée a mis la barre encore plus haute. Les écossais de Oi Polloi sont de retour quelques années après leur premier passage au Zikenstock. Cette fois-ci, ils sont cinq. A part le chanteur Deek Allen, tous les musiciens ont été remplacés. Toujours fidèle à l’anarcho-punk, voire au crust et D-beat, la bande a réveillé le public qui s’est peu reposé depuis la veille. Le leader, défenseur des langues locales et du terroir, déguste du pain français sur scène et vante sa qualité, puis sert quelques verres de vin de son pays aux fans du premier rang. Toujours en train de vérifier l’heure sur son portable rangé dans sa poche de pantalon, afin de savoir s’il reste du temps de scène pour son groupe, il interprétera le titre « Le Pen fuck you » en cette veille d’élection présidentielle !

Nous restons dans la thématique antifasciste avec le retour des parisiens de Brigada Flores Magon après plusieurs années de standby. La grosse claque et un public tout acquis d’avance ! La Brigada est en terrain conquis. Aux hymnes street-punk s’ajoutent deux reprises, « Identité » de Camera Silens et « What’s my name ? » du Clash. Pour terminer en beauté par une invasion scénique du public pour le titre « R.A.S.H. » !

Attention, place aux légendes que sont The Ruts DC, groupe anglais estampillé 77 mais qui a explosé en plein vol en 1980 suite au décès par overdose d’héroïne de Malcolm Owen son chanteur. Ainsi, les membres survivants ont rebaptisé le combo en The Ruts DC pour « Da Capo » avec une orientation beaucoup plus dub. Ce soir, le trio vient défendre son dernier double LP, l’excellent « Music Must Destroy ». Bien évidemment les grands classiques ne sont pas oubliés comme « West One (Shine On Me) », « Staring at the Rude Boys », « In a Rut », « Babylon's Burning » et le fameux « Jah War » où c’est la folie partout, même côté backstage où le batteur de la Brigada lancera à la fin « c’est bon, j’ai entendu Jah War en live, je peux mourir ! ». Dommage et incompréhensible que le chapiteau ne soit pas rempli durant ce set, car sans The Ruts, une grande partie des groupes que nous aimons n’existerait pas…

Les Rats, qui ont assisté eux aussi au concert qui vient de se terminer, sont tout excités et n’hésitent pas à saluer et discuter avec les anglais qui sortent juste de scène. C’est un peu l’histoire de deux groupes cultes qui se rencontrent… Pour l’anecdote, Les Rats étaient le groupe surprise de l’affiche du Zikenstock dessinée par l’artiste Chester. Les fans les plus perspicaces l’avaient deviné car un petit rat y était représenté en bas à droite. Le cru de cette 14ème édition fait donc la part belle aux reformations puisque les parisiens se sont réunis pour une tournée d’un mois environ. Ce soir, ils jouaient leur dernière date, qui fut peut-être l’une des meilleures. Le lendemain, le chanteur Pat reprenait l’avion pour retourner chez lui à La Réunion. Concert de folie, musiciens en sueur, des titres exécutés à un rythme fou, la formation composée du nouveau bassiste Carlos El Guanako (ex-Washington Dead Cats) et du nouveau batteur Djo tient la route et a trouvé son équilibre et sa dynamique, contrairement au concert du Betizfest à Cambrai quelques semaines plus tôt. Nos pensées vont à Mick le batteur original qui a commencé la tournée avec eux (formation à deux batteurs en alternance) mais qui est hospitalisé pour une pneumonie. Les gars, ne raccrochez pas de suite, continuez… Aussi, séquence émotion lors du rappel avec la reprise « Papa » en hommage aux musiciens de Parabellum qui sont tombés…

Les jamaïcains Toots and the Maytals vont définitivement marquer l’histoire du Zikenstock. Les qualificatifs « légendaires » et « mythiques » ne sont pas assez forts ! Ce groupe formé en 1962 autour du chanteur Toots Hibbert, dont la voix est souvent comparée à celle d’Otis Redding, est à l’origine de l’invention du mot « reggae ». Toots est à placer parmi les plus grands, entre Bob Marley et Jimmy Cliff. Tellement il y a de musiciens que la scène semble trop petite. Le backing band est impressionnant, on y reconnaît notamment Paul Douglas derrière la batterie, une légende car il a joué et enregistré avec de nombreux artistes comme Bob Marley par exemple ! Le bassiste Jackie Jackson est également toujours présent dans le groupe depuis ses débuts. La foule est compacte, le chapiteau déborde, de larges sourires s’impriment sur les visages, ça danse dans les premiers rangs, Toots serre la main à ceux qui la tendent... Nous sommes dans un festival dit « punk » et finalement c’est Toots and the Maytals qui rencontre un des plus grands succès du week-end. Des classiques seront interprétés : « Pressure Drop », « 54-46, That's My Number », etc… Egalement une reprise de Richard Berry « Louie Louie », popularisé par le rock garage des Kingsmen.

Enfin, The Adicts, anglais expatriés aux USA et attendus depuis des années par les fidèles du Zikenstock, ont enfin fait escale dans les Hauts-de-France ! C’est une mini-tournée européenne de seulement quatre dates : Copenhague, Berne, Athènes et Le Cateau-Cambrésis… Cherchez l’erreur ! En fait, il n’y en a pas : cette petite ville du Nord est désormais la capitale française du punk ! The Adicts, toujours menés par le leader Monkey et les frères Pete et Kid Dee depuis 1975, ont sorti le grand show à l’américaine pour clôturer en beauté le festival, outre les déguisements inspirés d’Orange Mécanique, les gadgets, ballons gonflables et cotillons, ce sont surtout les nombreux tubes qui ont embarqué le public direction les indies charts des années 80 comme « Joker in the Pack », « Steamroller », « Easy Way Out », « Chinese Takeaway » ou encore « Viva La Revolution ». Il manquait juste peut-être un petit « Angel » ou « How Sad », mais la liste de leurs singles est tellement longue qu’il faut faire un choix… Dommage que leur violoniste les ait quittés car ça apportait une couche mélodique supplémentaire. La formation actuelle à cinq avec des nouveaux bassiste et second guitariste va droit à l’essentiel avec des chœurs en renfort du chant de Monkey et toujours une rythmique très « upbeat » façon Ramones. Bref, la messe est dite…

Bilan du Zikenstock 2017 : un festival sold-out, un public heureux et des groupes impeccables. L’organisateur Loïc Manesse peut être fier de lui et de ses bénévoles et techniciens ! Maintenant, à nous de deviner et pourquoi pas lui indiquer les groupes mythiques qu’on aimerait y retrouver l’année prochaine, car en y réfléchissant bien, ils sont presque tous déjà passés au Marché aux Bestiaux…

[hupso]